lundi 21 février 2011

Dracula l'Immortel

Je dois avouer que quand j'ai vu en librairie Dracula l'Immortel de Dacre Stoker, je n'ai eu qu'une hâte: qu'il sorte en poche afin que je puisse le lire! Eh oui, je ne suis pas une grande fan des livres en grand format: déjà ils ne sont pas pratiques à transporter, puis leur coût est un réel frein pour moi.
Sur ce coup, je me dis que j'ai vraiment bien fait d'attendre l'édition de poche, tant ma déception à la lecture de cette "suite", la seule à être soit-disant officielle et approuvée par la famille Stoker (normal, puisque l'auteur en est un lui-même!), a été grande.   

Pourtant, tous les ingrédients étaient réunis: une couverture alléchante, l'auteur est le petit-neveu de Bram Stoker, associé à Ian Holt, un "spécialiste" du comte vampire, et il se serait inspiré des notes de son aïeul pour écrire cette suite. Plutôt chouette pour un début, non? 

Cependant, j'ai très vite déchanté...
Déjà, Dacre Stoker renonce au genre épistolaire. Bon à la limite, pourquoi pas, au moins il se démarque de son aîné. Mais on s'aperçoit bien vite qu'en fait le roman est déjà en quelque sorte "prédécoupé", en prévision sûrement d'une adaptation cinématographique.

Le problème, c'est qu'ensuite les mauvaises surprises s'enchaînent. Des anciens héros du roman original, il ne reste rien, si ce n'est des loques: alcooliques, psychiquement troublés, drogués... Leur décrépitude est totale, et les nouveaux personnages, le fils des Harker y compris, n'ont aucune profondeur. Que dire par exemple du ridicule inspecteur qui fait son entrée dans le roman? A ce qu'il paraît, il apparaît dans les notes originales de Bram Stoker. On se dit qu'il a finalement bien fait de l'y oublier, tant cet inspecteur est affligeant de bêtise...

Parlons tout de même du personnage principal, celui qui nous vaut aujourd'hui le "plaisir" de cette malheureuse suite: Dracula bien sûr! Eh bien il a survécu, terré dans son château en attendant de se régénérer... Bon bah quelque part c'est une bonne nouvelle, car je ne vois pas trop l'intérêt de faire une suite sinon...

On apprend également que Mina a eu une liaison avec Dracula, et là j'avoue, je rigole. Je ne me rappelle pas qu'il en ait été fait mention quelque part, ce serait plutôt une invention du film de Coppola, à moins que je ne me trompe? Ou alors, c'est pour le côté midinette, un peu comme dans Twilight...
De même, si Lucy est morte, c'est par la faute de Van Helsing, qui lui a fait une mauvaise transfusion sanguine... 

Le clou du spectacle, c'est l'apparition de Bram Stoker lui-même. Son rôle? Nous raconter avec force détails larmoyants comment il s'est fait déposséder (suite à une erreur de contrat) de la juteuse licence de Dracula. Son petit-neveu est en quelque sorte le redresseur de torts, celui qui va permettre à la famille d'en profiter un peu à son tour.

En bref, le mythe s'effondre, et c'est bien dommage. Il semble que Dacre Stoker n'ait de Stoker que le nom, le talent, lui, a dû s'égarer en cours de route...  L'auteur nous livre un roman fourre-tout, mélange de mauvaises séries B et d'apparitions plus ou moins abracadabrantes. On y résoud même le mystère de Jack l'éventreur, histoire sans doute de plaire au grand public...

Je suppose donc que ce roman a été la nouvelle victime du syndrome Twilight: on constate que les vampires n'effraient plus. Ils sont beaux, gentils, propres sur eux, et surtout ils fascinent. Sauf que Dracula, c'est tout sauf "Twilight": il est à l'origine du mythe quand même!
Et le souci, c'est que ce mythe est ici entièrement déconstruit. Car oui, Dracula est gentil! C'est un soldat de Dieu, envoyé pour combattre le mal! Un comble pour un vampire, quand même...

Du coup, on se demande: qui est donc le méchant dans toute cette histoire? Eh bien, je vous le donne en mille: Elisabeth Bathòry, la fameuse comtesse qui se baignait dans le sang de jeunes vierges afin de préserver sa jeunesse...

Je voudrais tout de même finir sur une note positive: je mentirais si je disais que tout est mauvais dans ce livre. S'il ne s'agissait pas de la suite de Dracula, j'aurais pu trouver que Dacre Stoker nous avait écrit une honnête histoire de vampires. Dommage que ce soit parfois un peu trop tiré par les cheveux... 


lecture à éviter

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mardi 1 février 2011

Le Moine

Je voudrais parler aujourd'hui d'un livre que j'ai lu pour la première fois en fac dans sa version originale, et relu il y a quelques semaines en français: Le Moine.
 
Ce roman a été écrit en 1796 par Matthew Gregory Lewis à l'âge de vingt ans. Le roman "gothique", précurseur de nos romans noirs d'aujourd'hui, connaît à cette époque un véritable succès: Horace Walpole et son Château d'Otrante, Carmilla de Joseph Sheridan Le Fanu, ou encore Ann Radcliffe avec les Mystères d'Udolphe et l'Italien
 
L'action du Moine se déroule essentiellement en Espagne. On retrouve dans ce récit tous les principes du roman gothique: abbayes et couvents  mystérieux,  sombres souterrains,  magie, fantômes, femmes belles et vertueuses, combat du bien contre le mal, tentation, luxure... Tout cela fait que le roman fut censuré en son temps. 
 
Il est vrai que le premier quart du livre peut en rebuter quelques-uns: un peu long, il sert surtout à mettre l'intrigue en place, et à présenter les différents personnages. On fait ainsi la connaissance de Lorenzo de Medina, de sa sœur Agnès, nonne au couvent jouxtant le monastère où loge le Moine, du marquis de las Cisternas, d'Antonia et sa mère doña Elvire.
 
Le Moine, c'est un certain Ambrosio: l'idole de Madrid, "l'Homme de Piété", un modèle de vertu, qui ne sort de son monastère que pour délivrer ses sermons. Mais le moine, sous ses dehors austères, n'en est pas moins homme, et une si belle âme ne pouvait qu'attirer le mal.
Lucifer sous les traits d'un ange se présente à lui: Mathilde la magnifique, jeune femme qui se pâme d'amour pour le prêtre, entrée au couvent sous l'identité de "frère Rosario". Elle est l'instigatrice de tous ses maux, celle par qui la chute ne fait que commencer.
Ambrosio ne peut rester insensible à ses charmes: son amour débordant, son sacrifice pour sauver celui qu'elle idolâtre d'une mort certaine après un empoisonnement, font qu'il ne résistera pas longtemps à ses avances. S'il est d'abord rongé par le remords, le moine se laisse ensuite entraîner dans une spirale infernale: luxure, violence, magie, meurtre...
 
Le chemin du moine finit par croiser celui de la belle Antonia, et il ne peut s'empêcher de tomber amoureux d'elle. Prêt à tout pour se faire aimer de celle qui le hante, il vend son âme au diable, et c'est Mathilde qui une fois encore l'initie. Sous prétexte d'aider celui qu'elle aime, elle découvre peu à peu la noirceur de son âme, et ne recule devant rien, pas même le commerce avec les démons, dont elle prétend qu'ils sont sous ses ordres.
 
Antonia est, avec Agnès et Mathilde, l'un des personnages féminins principaux de l'oeuvre.  Jeune fille naïve au cœur pur, elle est l'objet de l'affection de Lorenzo de Medina. Adorée par une mère dont l'affection la pousse à vouloir garder sa fille dans l'ignorance du monde (ne découpe-t-elle pas des passages de la Bible qui pourraient être offensants pour une jeune fille innocente?), elle sera pourtant victime des visées du moine, et son destin sera celui d'une héroïne tragique.  
 
Le moine n'est finalement qu'un homme de chair et de sang, et celui  que tous croient exempt des faiblesses de la nature humaine se laisse entièrement submerger par ses pulsions. Ambrosio se retrouve incapable de résister, entraîné par des désirs toujours plus impétueux. La violence monte crescendo, juqu'à l'apothéose que constitue la scène finale, et qui m'a laissée rêveuse, imaginant la chute (réelle et figurée) de celui que le Diable a choisi pour cible.  Et plus grande est la vertu, plus grande est la chute... Le tragique n'est jamais loin...
 
Le Moine est une œuvre vivante, foisonnante, parfois déconcertante dans ce qu'elle mêle divers récits rapportés par plusieurs personnages, avec des chronologies différentes. Il est donc parfois facile de s'y perdre!
Mais le texte reste très moderne pour son époque, et nous interpelle: Ambrosio est là, on pourrait presque le toucher, on le voit se battre dans les méandres de sa conscience, brisant un à un tous ses voeux, jusqu'à perdre son statut de saint homme et se retrouver pécheur déchu...
 
Si cet ouvrage vous intéresse, je vous recommande plutôt la traduction de Léon de Wailly, très fidèle à l’œuvre originale (on retrouve le côté incantatoire de la version originale), que la version d'Antonin Artaud, qui est en fait une adaptation et qui comporte plusieurs coupes.
 


  Coup de coeur!
  

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