mardi 1 février 2011

Le Moine

Je voudrais parler aujourd'hui d'un livre que j'ai lu pour la première fois en fac dans sa version originale, et relu il y a quelques semaines en français: Le Moine.
 
Ce roman a été écrit en 1796 par Matthew Gregory Lewis à l'âge de vingt ans. Le roman "gothique", précurseur de nos romans noirs d'aujourd'hui, connaît à cette époque un véritable succès: Horace Walpole et son Château d'Otrante, Carmilla de Joseph Sheridan Le Fanu, ou encore Ann Radcliffe avec les Mystères d'Udolphe et l'Italien
 
L'action du Moine se déroule essentiellement en Espagne. On retrouve dans ce récit tous les principes du roman gothique: abbayes et couvents  mystérieux,  sombres souterrains,  magie, fantômes, femmes belles et vertueuses, combat du bien contre le mal, tentation, luxure... Tout cela fait que le roman fut censuré en son temps. 
 
Il est vrai que le premier quart du livre peut en rebuter quelques-uns: un peu long, il sert surtout à mettre l'intrigue en place, et à présenter les différents personnages. On fait ainsi la connaissance de Lorenzo de Medina, de sa sœur Agnès, nonne au couvent jouxtant le monastère où loge le Moine, du marquis de las Cisternas, d'Antonia et sa mère doña Elvire.
 
Le Moine, c'est un certain Ambrosio: l'idole de Madrid, "l'Homme de Piété", un modèle de vertu, qui ne sort de son monastère que pour délivrer ses sermons. Mais le moine, sous ses dehors austères, n'en est pas moins homme, et une si belle âme ne pouvait qu'attirer le mal.
Lucifer sous les traits d'un ange se présente à lui: Mathilde la magnifique, jeune femme qui se pâme d'amour pour le prêtre, entrée au couvent sous l'identité de "frère Rosario". Elle est l'instigatrice de tous ses maux, celle par qui la chute ne fait que commencer.
Ambrosio ne peut rester insensible à ses charmes: son amour débordant, son sacrifice pour sauver celui qu'elle idolâtre d'une mort certaine après un empoisonnement, font qu'il ne résistera pas longtemps à ses avances. S'il est d'abord rongé par le remords, le moine se laisse ensuite entraîner dans une spirale infernale: luxure, violence, magie, meurtre...
 
Le chemin du moine finit par croiser celui de la belle Antonia, et il ne peut s'empêcher de tomber amoureux d'elle. Prêt à tout pour se faire aimer de celle qui le hante, il vend son âme au diable, et c'est Mathilde qui une fois encore l'initie. Sous prétexte d'aider celui qu'elle aime, elle découvre peu à peu la noirceur de son âme, et ne recule devant rien, pas même le commerce avec les démons, dont elle prétend qu'ils sont sous ses ordres.
 
Antonia est, avec Agnès et Mathilde, l'un des personnages féminins principaux de l'oeuvre.  Jeune fille naïve au cœur pur, elle est l'objet de l'affection de Lorenzo de Medina. Adorée par une mère dont l'affection la pousse à vouloir garder sa fille dans l'ignorance du monde (ne découpe-t-elle pas des passages de la Bible qui pourraient être offensants pour une jeune fille innocente?), elle sera pourtant victime des visées du moine, et son destin sera celui d'une héroïne tragique.  
 
Le moine n'est finalement qu'un homme de chair et de sang, et celui  que tous croient exempt des faiblesses de la nature humaine se laisse entièrement submerger par ses pulsions. Ambrosio se retrouve incapable de résister, entraîné par des désirs toujours plus impétueux. La violence monte crescendo, juqu'à l'apothéose que constitue la scène finale, et qui m'a laissée rêveuse, imaginant la chute (réelle et figurée) de celui que le Diable a choisi pour cible.  Et plus grande est la vertu, plus grande est la chute... Le tragique n'est jamais loin...
 
Le Moine est une œuvre vivante, foisonnante, parfois déconcertante dans ce qu'elle mêle divers récits rapportés par plusieurs personnages, avec des chronologies différentes. Il est donc parfois facile de s'y perdre!
Mais le texte reste très moderne pour son époque, et nous interpelle: Ambrosio est là, on pourrait presque le toucher, on le voit se battre dans les méandres de sa conscience, brisant un à un tous ses voeux, jusqu'à perdre son statut de saint homme et se retrouver pécheur déchu...
 
Si cet ouvrage vous intéresse, je vous recommande plutôt la traduction de Léon de Wailly, très fidèle à l’œuvre originale (on retrouve le côté incantatoire de la version originale), que la version d'Antonin Artaud, qui est en fait une adaptation et qui comporte plusieurs coupes.
 


  Coup de coeur!
  

Logo Livraddict

2 commentaires:

  1. Je ne connaissais pas du tout mais je suis très intriguée... Ca a l'air pas mal, je le note! :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pour ma part j'adore ce livre, après c'est vrai qu'il est assez particulier! Si tu as l'occasion de le lire, j'espère que tu aimeras :)

      Supprimer