De force

Lire un Karine Giebel, c'est l'assurance de passer un bon moment livresque, et si De force ne déroge pas à la règle, je l'ai pourtant trouvé un peu moins bon...

"Le temps de l'impunité est révolu. Le temps des souffrances est venu."

Elle ne m'aimait pas. Pourtant, je suis là aujourd'hui. Debout face au cercueil premier prix sur lequel j'ai posé une couronne de fleurs commandée sur internet. Car moi, j'ai voulu l'aimer. De toutes mes forces. De force. Mais on n'aime pas ainsi...

J'ai volontairement coupé le résumé, qui n'en est pas vraiment un, mais qui reprend le prologue qui ouvre le récit. Il n'en dit pas forcément beaucoup sur l'intrigue, mais je le trouve trop long pour faire réellement office de résumé. Mais bon, là n'est pas la question, l'essentiel est ailleurs!

Comme d'habitude, la grande force (haha) de ce roman, ce sont ses personnages et les liens qui les unissent.
Nous avons donc Armand Reynier, chirurgien renommé, richissime patron de clinique, marié en secondes noces à la belle Charlotte et père de Maud. Bref, une famille normale, bien sous tous rapports.
Sauf qu'ils ont chacun leurs failles, que Luc, garde du corps engagé par Armand après que Maud se soit fait agresser, va exacerber un peu malgré lui.

La famille Reynier a donc vécu un drame: Armand a perdu sa première femme, morte noyée dans leur piscine. Et aujourd'hui, on a attenté à la vie de sa fille chérie. Armand engage donc Luc afin qu'il la surveille, mais comprend bientôt que cette agression semble le viser lui. Le voilà victime d'un maître chanteur, qui semble connaître bien des choses sur son passé...

Charlotte, elle, se noie dans l'alcool et offre son corps à des hommes de passage, comme pour se punir du drame survenu voilà des années. Elle est malheureuse, sait qu'Armand ne l'aime pas vraiment, qu'il admire avant tout sa beauté et qu'il se contente de l'exhiber comme un bel accessoire sans rien de plus. Bref, la vie de Charlotte est loin d'être rose, et franchement pour rien au monde je ne voudrais vivre sa vie!

Armand est obsédé par sa réputation mais plus encore par sa fille. Elle est tout pour lui, il est prêt à tout pour elle. Il a fait des choses pas très reluisantes par le passé, et il semblerait que le temps de payer pour ses erreurs soit venu. J'ai trouvé ce type glauque, voire même carrément malsain (je pense à une certaine scène en particulier, brrr!). Ce type est loin d'être un ange, mais si au début il pense que tout est une affaire d'argent, bien vite il va comprendre que c'est lui et lui seul qui semble intéresser le maitre chanteur.

Vient ensuite Maud, la fille à papa qui semble bien comprendre qu'Armand lui mange dans la main et qui s'amuse à souffler le chaud et le froid. C'est une garce égoïste et cruelle qui cache bien son jeu derrière un visage d'ange et plus d'une fois j'ai levé les yeux au ciel en voyant le nombre incroyable de décisions stupides qu'elle peut prendre. Bref, Maud et moi ça ne l'a pas vraiment fait, sauf peut-être à la fin, quand tout se met en place et qu'elle dévoile enfin une once de bons sentiments.

Et enfin il y a Luc, sans doute le personnage que j'ai préféré, le garde du corps que rien ne semble atteindre et qui semble avoir vécu une enfance compliquée malgré une mère aimante. Maud est attirée par lui, elle veut s'en faire aimer (de force s'il le faut), même quand il lui dit être avec une autre. Maud fait ses caprices, Luc subit et ramasse à chaque fois les pots cassés. Bref, Luc semble être l'ange gardien de cette famille, même si lui aussi a pas mal de casseroles à son actif.

Vous voyez donc le tableau d'ensemble, et ce n'est pas très folichon. Franchement, sous des dehors respectables cette famille cumule bien des problèmes. Sexe, drogue, alcool, aucun des travers des pauvres petits riches ne leur sont épargnés, et la gifle monumentale qu'ils vont se prendre m'a limite semblé légitime. 
Que voulez-vous, les problèmes de riches m'insupportent, entre Armand qui pense que tout peut se régler avec quelques billets, Maud qui nous fait des caprices dignes d'une gamine et Charlotte qui se punit en abîmant sa beauté à grands coups de rapports non protégés et d'alcool. 

Sauf que les apparences peuvent être trompeuses, et l'ennemi est peut-être plus proches qu'ils ne le pensent... J'avoue, j'ai tour à tour soupçonné tout le monde. J'ai échafaudé des théories, qui semblaient tenir la route jusqu'à ce qu'un nouvel indice me montre que je faisais fausse route. 
Ce lire est un vrai page turner, et si au début j'ai trouvé le temps long et la mise en place un peu brouillonne, assez vite les rouages se mettent en branle, et là impossible de lâcher mon livre. C'est rythmé, comme à son habitude Karine Giebel ne nous laisse aucun répit, et c'est ce qui fait que j'ai apprécié ma lecture.

Et pourtant, ce n'est pas un coup de cœur: la machination mise en place contre Reynier est efficace mais a pourtant un goût de déjà vu. Karine Giebel exploite son idée à fond, les rebondissements et les révélations s'enchaînent, mais en versant un peu parfois dans la surenchère.  Et évidemment une fois que l'on a toutes les cartes en main on se surprend à se dire "mais bien sûr!"

Cependant, le fait d'avoir autant de mal à m'attacher à un des personnages ne m'a pas vraiment aidée. Même Luc fait des choses pas très claires, lui aussi je l'ai soupçonné, bref personne n'est ni tout blanc ni tout noir dans cette histoire. Je trouve toujours des petits détails habituellement pour réussir à apprécier au moins l'un des protagonistes, mais ici ça a été un peu ardu.

Reste que j'ai beaucoup aimé la fin. Certes, je l'imaginais un peu différente (notamment en ce qui concerne Maud, mais chut!), mais au final je trouve que Karine Giebel a bien fait de continuer sur sa lancée. Chacun a le sort qu'il mérite, et même si une fois encore c'est un final pas très gai, c'est sans nul doute le meilleur que l'auteur pouvait choisir.

lecture agréable